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Maîtres des rues – peintres populaires du Zaïre de Dirk Dumon
Cobra Films
Une peinture humoristique et réaliste de la société congolaise de cette époque.
1960, le Congo acquiert son indépendance. Il est renommé République du Congo.
Patrice Lumumba joue un rôle fondamental dans ce moment historique : il est le libérateur des consciences congolaises. Peu de temps après ces événements, le Colonel Joseph-Désiré Mobutu entre en scène. 1972, il instaure la dictature et évince ses opposants. Patrice Lumumba lui fait de l’ombre : il le fait exécuter dans la région du Katanga.
La zaïrianisation du pays est à l’oeuvre. La République du Congo devient le Zaïre. Une nouvelle monnaie apparaît et les Congolais sont appelés à africaniser leur nom. C’est dans ce contexte politique et social trouble que le documentaire observe la société congolaise.
Pays des libertés bafouées et des âmes meurtries par une colonisation violente et des guerres fratricides sans fin, la rue apparaît ici comme le lieu de tous les possibles. Sur les tableaux de coiffeurs, dans les publicités non conformes au marketing international, dans des tableaux muraux satiriques ou prosélytes, la société congolaise est mise à nue.
Les exactions militaires commises à Kisangani, les frasques d’un président dictateur mégalomane, la corruption s’insinuant dans tous les interstices de la société, la prostitution, la « starisation » des chanteurs de rumba et les mythes les plus anciens du pays sont dépeints avec hyper-réalisme et beaucoup de sensibilité par ces décorateurs de rues autodidactes. Les parts d’ombres trop nombreuses de ce pays « cocotte-minute » sont révélées dans ces décors de rue.
Kinshasa ou Kin la belle, ville tentaculaire et ambivalente s’il en est, est le berceau de la création congolaise. Mais les autres villes, également riches de leur passé et de leurs multiples inspirations, traditionnelles ou urbaines, ont également un beau rôle dans ce récit pictural. Cet art urbain et moderne prend de nombreuses formes, inventives et sincères, à l’image de ce pays tentant de lutter contre ses nombreux démons.
ZOOM
Chéri Samba, le pinceau sûr. La parole satirique et juste.
D’origine populaire, faisant montre de beaucoup de traits d’esprit, il fait partie de ceux qui réussissent à vivre de leur art. Ses voisins de quartier parlent de lui avec enthousiasme et reconnaissance. Car « Il fait son travail avec la compétence. Il est aussi conscient de ce qu’il fait (…) La rue est sa première salle d’exposition ».
Il raconte avec la douce moquerie qu’on accorde à un objet aimé, les déboires et les illusions de la société congolaise en proie à une forte paupérisation. A travers des expressions populaires et des dialogues intégrés dans ses peintures, le quotidien est le sujet de prédilection de l’artiste un brin « sapeur », qualifié de « naïf ».
Chéri Samba connaît un succès international depuis 1989, et son exposition à la grande Halle de la Villette à Paris dans les Magiciens de la terre. Esthétisme, message pédagogique et humour sont les trois clés de son succès. C’est également le trio gagnant caractérisant bon nombre d’artistes congolais contemporains. Une force de contestation mâtinée d’un humour tapageur et une esthétique à toute épreuve. Il suffit de voir le nombre de plasticiens congolais émergeant encore aujourd’hui sur la scène internationale pour se rendre compte que ceux-ci ont toujours cette particularité qui fait leur succès. (cf : Body Isek Kingelez, Freddy Tsimba, Vitshois Mwilambwe Bondo…).
Eva Dréano