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Bibi Tanga : " Que la paix revienne en Centrafrique "
Son nouvel album sur les starting block, sa basse, son sourire et sa voix pour seules armes, il aborde la vie, les conflits en Centrafrique et son métier avec flegme et classe. Interview du parigot-centrafricain, Bibi Tanga.
Africa Vivre : On connaît ton attachement de longue date à la Centrafrique, ton pays d’origine. Depuis fin 2013, tous les regards sont portés vers la Centrafrique. Quel est le tien sur le pays et les conflits qui s’y déroulent ?
Bibi Tanga : Il est empreint de beaucoup d’inquiétude. Actuellement, de nombreux musulmans centrafricains quittent le territoire. C’est parce qu’un amalgame est fait avec les musulmans qui sèment le trouble en Centrafrique. A cause de ceux qui se disent musulmans mais ne se comportent pas comme tel.
Aussi la société civile et les médias doivent faire en sorte que la paix revienne. La situation actuelle nous pousse à un aveu d’échec. Mais il ne faut pas non plus oublier qu’il existe également beaucoup d’actions de soutien menées à travers le monde pour défendre la paix en Centrafrique.
Tu déclares à travers ce nouvel album ton amour pour la musique et le rock anglais. Tes albums précédents étaient teintés de funk américaine, de hip-hop, de rythmes africains, de rhythm'n'blues… Peux-tu nous parler des différents univers musicaux que tu as mélangés dans ton nouvel album ?
Bibi Tanga : J’y ai mis des musiques africaines et centrafricaines. Le Montenguéné, par exemple, est une musique traditionnelle de la région de Lobaye dans le Sud-Ouest du pays. C’est une musique très populaire, très appréciée de tous les Centrafricains. J’ai aussi plus travaillé avec des rythmes africains tel que la rumba et l’afrobeat.
Et, c’est vrai, j’ai intégré des sons pop et rock anglais. C’était, je pense, une manière pour moi de rendre hommage à ce pays qui a permis à beaucoup de musiques d’éclore et de fusionner comme par exemple le reggae, le ska... C’est un peu l’hommage d’un africain à ce pays berceau de musiques si fertiles !
Cinq textes de cet album sont chantés en Sango, langue parlée en Centrafrique. Peux-tu nous traduire les paroles de l’un de ces morceaux ?
Bibi Tanga : Dans Ngombe, la piste 10, je parle des armes à feu. Je rappelle qu’elles n’auront jamais raison. Certains croient que le fait d’avoir des armes leur donne droit à la parole. C’est une attitude de mercenaire. Comme si cela fait d’eux des gens responsables ! Ngombe se moque de cela. Il évoque aussi une certaine ambiance musicale. Une grande place est accordée à la musique en Centrafrique. Et, les Centrafricains écoutent de tout. Egalement, j‘évoque le climat de peur et d’incompréhension qui y règne depuis deux, trois ans. Un climat que j’ai ressenti à travers mes échanges avec mes proches habitants en Centrafrique. Ngombe est une chanson qui appelle à la paix.
Tu as dis récemment, on peut mener de grand combat en gardant le sourire. Comment trouves-tu l’application de ce précepte dans ton travail d’artiste ?
Bibi Tanga : Les occasions de l’appliquer sont nombreuses et quotidiennes. Il s’agit de savoir travailler avec plusieurs personnes, de ne pas sans cesse tomber dans le conflit, de mettre toujours la musique à l’honneur… On peut se laisser dépasser par les mauvaises humeurs des uns et des autres. Mais finalement, le plus important c’est de savoir garder le sourire.
Tu dis, avec ta formation actuelle (composée de Mike Bodjo Dibo : batterie, chœurs / Gilles Garin : trompette, conque / Eric Kerridge : guitare, chœurs / Eric Rohner : saxophone / Mathieu Pequeriau : harmonica, washboard / Stéphane Le Navelan : claviers chœurs / Emma Lamadji : chœurs / Idylle Mamba : chœurs), avoir cherché à retrouver spontanéité et simplicité. Peux-tu en parler un peu plus ?
Bibi Tanga : Oui, j’ai ressenti le besoin de respirer et de retrouver de nouveau la flamme des débuts. Au début, la créativité et l’enthousiasme sont là. Puis, il faut savoir se renouveler. Faire revenir la créativité au centre de son travail. J’ai donc travaillé avec une nouvelle formation. Ricco (Eric Kerridge) est mon seul ancien compagnon de route.
ZOOM
Les conseils littéraires, musicaux, cinématographiques et culinaires de Bibi Tanga à nos lecteurs
Bibi Tanga : J’en conseillerais plusieurs. Theophile Obenga. Abasse Ndione, l’auteur sénégalais de La vie en spirale. Et, à lire en priorité, je conseillerais Etienne Goyémidé, l’auteur centrafricain ayant écrit Le silence de la forêt.
Quel album d’un artiste africain conseillerais-tu à nos lecteurs ?
Bibi Tanga : Je conseillerais Catch a Fire de Bob Marley & The Wailers. Un pur bijou !
Quel réalisateur africain conseillerais-tu à nos lecteurs ?
Bibi Tanga : Idrissa Ouédraogo. (cf. Poko, Les Écuelles, Yaaba, Tilaï, Le cri du cœur…). Le cinéma burkinabé est riche. Il offre une belle vitrine au cinéma africain. Et Ouédraogo en est un digne émissaire…
Quel est ton plat africain préféré ? Et où le manges-tu à Bangui ? Et, à Paris, qu’en est-il ?
Bibi Tanga : Le « Yabanda ». Ce sont des feuilles de coco coupées très finement et accompagnées de poisson séché. A Bangui, tous les bars servent ce plat. Lorsque j’y suis c’est dans le quartier du KM5 que j’en mange. Je conseille le Mirandela, un lieu sympa où on peut également en manger. A Paris, il faut goûter les brochettes d’Abdoulaye dans le bar Aux trois marches du 11e arrondissement. C’est un bel endroit. Un lieu convivial pour les couche-tard.
Eva Dréano