Pour véhiculer ce message au monde entier à l’heure où son pays sombre dans une grave crise politique et militaire, Bassekou Kouyaté, alors en studio pour enregistrer un album, se met à composer de nouveaux titres avec son groupe Ngoni Ba, dont fait partie sa femme, la chanteuse Amy Sacko, et ses deux fils.
En ressort l’opus « Jama ko », nom du premier morceau de l’album qui signifie en bambara « un rassemblement de personnes réunies pour célébrer un moment de partage». Et c’est tout-à-fait ce qu’incarne cet album où se retrouvent certains des plus grands musiciens maliens venus des quatre coins du pays pour célébrer l’union, du griot Kassé Mady Diabaté à la chanteuse Khaira Arby de Tombouctou en passant par le fidèle ami américain Taj Mahal.
Un rythme saccadé évoquant l’urgence de la composition et de la prise de parole parcourt l’album de bout en bout. Seules les envolées poignantes d’Amy Sacko viennent donner du souffle à cette course contre la montre qui dénonce alors le climat inquiétant dans lequel se trouve le pays après le coup d’Etat.
La colère de l’artiste irrigue tel un fleuve nerveux ce bel opus, lui donnant une énergie rock intuitive salvatrice profonde. Armé de sa pédale wah-wah, le Jimmi Hendrix du n’goni fait entendre son cri de guerre tandis que son épouse l’épaule : « Ne me fatigue pas, je veux que la paix dans le monde » clame-t-elle dans le titre « Ne me fatigue pas ».
Pour rassembler son peuple, encore et toujours,Bassekou Kouyaté fait appel à l’inconscient collectif. Il reprend les chants griotiques les plus anciens, ceux contant l’histoire de chefs guerriers amateurs de vin ou encore de rois rebelles s’étant révélé contre l’islamisation forcée des peuples… Comprenne qui voudra.
Il célèbre également les modèles de commerçants enrichis ayant fait le bien autour d’eux. Comprenne encore qui voudra…
Avec la puissance expressive de Jama Ko, Bassekou Kouyaté remplit à merveille sa fonction de griots des temps modernes, en mettant sa musique au service d’une cause sociale et politique, et entre définitivement (si ce n’était déjà fait) au Panthéon des plus grands musiciens maliens, juste à côté de ses icônes, Ali Farka Touré et Toumani Diabaté.
ZOOM
Bassekou Kouyaté, maître du n’goni.
Tout comme l’est d’ailleurs la carrière de ce virtuose du n’goni, prometteur de génie de cette petite guitare à cinq cordes propre aux pays du Mandingue.
Révélé dès ses vingt ans au public international lors d’un voyage aux Etats-Unis après que Taj Mahal lui a demandé de le rejoindre sur scène devant des milliers de personnes, Bassekou Kouyaté enchaîne depuis lors les collaborations prestigieuses parmi lesquelles des duos avec le groupe U2, notamment.
Lola Simonet