Film sur l’émigration, Des étoiles, tourné en 2012, sortira le 29 janvier prochain dans les salles françaises. Africa Vivre a eu le plaisir de le voir en avant-première cet automne et vous le recommande avec enthousiasme.
Après quatre courts-métrages réussis, dont le beau succès public et critique Un transport en commun (sélectionné aux Festivals de Locarno, Sundance et Toronto, nommé aux Césars 2011) et le poétique Déwénéti (l’histoire d’un enfant mendiant qui décide d’écrire au Père-Noël), la réalisatrice franco-sénégalaise Dyana Gaye sort enfin son premier long-métrage, Des étoiles.
Tourné à Dakar, Turin et New York, Des étoiles de Dyana Gaye raconte les destins croisés de Thierno, Sophie et Abdoulaye.
Amoureuse et décidée, Sophie quitte père et mère à Dakar pour retrouver son mari Abdoulaye qui a émigré quelques années plus tôt à Turin. Elle ignore alors qu’Abdoulaye ne se trouve plus dans la métropole italienne. L’opportunité de partir aux Etats-Unis via la France s’est offerte à lui et il l’a saisie quelques semaines avant l’arrivée de Sophie.
De l’autre côté de l’Atlantique, tout juste débarqué de l’aéroport JFK de New York, Abdoulaye se précipite chez le seul contact sénégalais qu’il connaisse aux Etats-Unis, Mame, la tante de Sophie, une immigrante sénégalaise installée de longue date au pays de l’oncle Sam. Mais une fois arrivé à la boutique qu’elle tient dans la « big apple », pas de Mame. Après quinze ans d’absence, celle-ci a décidé d’effectuer son grand retour à Dakar pour assister aux obsèques de son mari. Elle est accompagnée de son fils Thierno, qui, lui, ne connaît pas le Sénégal…
L’exil est le thème principal de ce beau triptyque agencé avec soin. Intelligemment ficelé, le scénario a été co-écrit (et c’est ici aussi une belle première) par la réalisatrice elle-même, en duo avec l’écrivain et scénariste Cécile Vargaftig.
Comme dans ses précédents films, on y perçoit une grande connaissance de la société sénégalaise et de sa diaspora tout autant qu’une réelle maîtrise des enjeux sociaux, familiaux et sentimentaux qui se cachent derrière les parcours d’exil. Sonnant particulièrement « vrais », les dialogues en wolof, italien, français, anglais et même nouchi (le français de Côte d’Ivoire) font émerger des figures de migrants africains (enfin) réalistes, éloignés des clichés misérabilistes et communautaristes trop souvent développés au cinéma.
Chez Dyana Gaye, les migrants africains sont polyglottes, mobiles, attachés à des valeurs culturelles propres qu’ils entretiennent et cultivent (à Turin comme à New York, les immigrés africains possèdent leurs propres boutiques, leurs propres salons de coiffure, leurs propres foyers) mais font aussi preuve de capacités d’adaptation sociale rapides et pragmatiques.
Que ce soit la bonne fille de famille Sophie à Turin, l’aventurier économique Abdoulaye à New York, ou le « re-born » afro-américain Thierno à Dakar, chacun se fait à sa nouvelle donne, sa nouvelle ville. Et parviendra même, une fois dépassées les illusions et les désillusions, à se trouver une place dans ce nouveau monde.
S’appuyant sur une caméra à hauteur de regards (ceux d’Abdoulaye joué par Souleymane Seye N’Diaye qui en disent long sur le désarroi et le sentiment de solitude éprouvés par les candidats à l’exil), la mise en scène classique et sobre vient renforcer le propos du film.
Les villes sont des décors de quête, des jungles effrayantes ou rassurantes, des espaces synonymes d’aventures (la recherche de la boutique de Mame à New York, la recherche d’un piano dans les hôtels de Dakar).
Perfectionniste, Dyana Gaye a sélectionné certains morceaux de la bande originale du film (signée Baptiste Bouquin) à partir d’un album personnel qui lui a permis d’écrire certaines scènes (elle raconte d’ailleurs que c’est en écoutant Les étoiles de Melody Gardot qu’elle a eu l’idée du titre).
La BO, le jeu des acteurs (un poil déséquilibré mais qu’à cela ne tienne), les atmosphères néo-réalistes, au final, tout concourt à faire entrer par la grande porte la cinéaste dans le champ des talentueux réalisateurs de cinéma social. Un premier film. Une réussite.
ZOOM
Dyana Gaye, d’ici et d’ailleurs
Née en France de père sénégalais et de mère métisse franco-italo-sénégalo-malienne, Dyana Gaye en connaît un rayon sur le voyage, les trajectoires de vie d’un côté et de l’autre de la Méditerranée, l’héritage culturel, l’assimilation et l’émigration.
Parlant français, wolof et italien, il était tout naturel pour elle de filmer un jour le pays de ses grands-parents l’Italie, même si elle n’y a jamais vécu. On sent dans ce premier long-métrage une forte implication personnelle de la réalisatrice. Sans doute la résonance de sa propre histoire.
Sowen Sidoret