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Ray Lema et Les Tambours de Brazza, un double concert généreux et poly-rythmique
Dimanche 6 octobre à la Ferme du Buisson, Noisiel.
Entre rythmes traditionnels et jazz, deux figures incontournables de la musique congolaise se sont données rendez-vous sous le chapiteau de la Ferme du Buisson : Ray Lema et Les Tambours de Brazza.
La promesse d’un dimanche après-midi peu semblable à ceux passés habituellement chez grand-mère. Imaginez la scène : six percussionnistes, lestés de majestueux Ngoma - tambours traditionnels bantous - guidés par le chanteur, membre fondateur du groupe Les Tambours de Brazza et ultra-énergique Fredy Massamba. Un bassiste, un guitariste et le batteur Emile Biayenda, chef d’orchestre du groupe. Un parterre garni de familles conquises. Extatiques ou trémoussantes.
Fredy Massamba mène la danse tel un ambianceur congolais, capable de chauffer le public des heures durant, le temps que la star apparaisse. Mais ici, loin de la terre patrie de la Rumba, les supers stars ne se font pas attendre. Elles ont la valeur de la « belle musique » et du sentiment de communion qu’elle procure.
Cérémoniel et convivial, nous dansons accompagnés par de spectaculaires percussions et de non moins spectaculaires musiciens. Ils marquent le rythme, frénétiques, quasi épileptiques tout en offrant leur généreux sourire et en dansant comme s’il était besoin de nous convaincre, que « vraiment », le Congo est un pays convivial et accueillant.
Hip-hop, jazz, rock, funk et rythmes occidentaux classiques, les musiciens alternent et ne semblent pas se fatiguer. Fin de la première partie dans une ambiance moite et euphorique.
L’entracte est animé par une troupe de danseurs sud-africains – non moins énergiques – qui dans la cour de la Ferme du Buisson marquent le temps et leur pas gumboots aux pieds. Trois danseurs hip-hop leurs emboîtent le pas botté et leur volent la scène pour une nouvelle démonstration aérienne et étonnante. La performance semble improvisée. Elle est néanmoins bienvenue.
Retour sous le chapiteau, pour un concert sous le signe du jazz cette fois. Premières notes. Cinq instruments. Le dialogue s’enclenche. Ray Lema orchestre l’ensemble avec maestria. Il slamme en anglais et chante en kikongo. Le piano se distingue puis s’efface par moment. La basse marque le tempo pour mieux laisser la place aux envolées et improvisations de la trompette, du saxophone et de la batterie.
Free jazz, jazz classique ou symphonique avec la venue de l’Orchestre d’Harmonie de Champs-sur-Marne, les musiciens s’aventurent sous nos yeux ébahis dans d’audacieux sentiers, puis reviennent bientôt sur la terre ferme de leur partition dès que la prouesse est accomplie.
C’était ainsi un dimanche étonnant, festif et polyrythmique ne ressemblant pas aux précédents.
ZOOM
Deux merveilleux explorateurs. Deux grands ambassadeurs du Congo.
Emile Biayenda fonde Les Tambours de Brazza en 1991, mêlant différents rythmes du Congo et plus particulièrement ceux du peuple pygmée, les Baabi. Suite à un concert récent en Haïti, il prépare actuellement un projet de collaboration avec des batteurs haïtiens et Samba Dia Loutitié, dernier Maître tambours du Congo.
De son côté, Ray Lema, se destine jeune à devenir prêtre. Il apprend le piano et l’orgue sous l’enseignement classique des Pères blancs.
Adulte, il rompt ses engagements avec l’église. Il s’initie à la guitare et côtoie le milieu musical Kinois. Nommé Directeur du Ballet National du Zaïre dans les années 1970, il a pour mission d’explorer l’ensemble des rythmes et musiques du Congo. En 1980, il s’installe au USA. Puis, 30 ans plus tard en France. Entre temps, il a travaillé avec de nombreux artistes de la Word Music explosant en Europe dans les années 80.
Indéniablement dotés d’une curiosité extrême pour toutes formes de musiques, ces deux virtuoses sont insatiables d’explorations et de découvertes. Et c’est bien ce qui nous ravit.
Eva Dréano