Une guitare électrique et des chants prônant la paix entre les peuples. Des rythmes faisant des boucles, une calebasse et une voix lancinante suivent sagement des courbes sinusoïdales.
L’album Mon pays s’ouvre ainsi sur un morceau de blues du désert. Un blues digne d’un Vieux Farka Touré qui aurait laissé au placard ses accents électro pour se consacrer pleinement à l’essentiel : l’origine de la musique et de la culture du Mali.
Les dix morceaux de l’album, Vieux Farka Touré les brandit en réponse à l’actualité politique de son pays. Comme pierre à l’édifice malien en pleine reconstruction, l’album chanté en peul, bozo, songhaï, bambara unifie en beauté le Nord et le Sud.
La kora, de Sidiki Diabaté, fils de Toumani Diabaté, est accompagnée par la guitare de Vieux Farka Touré dès le troisième morceau, « Doni Doni ». Elle introduit l’album dans la grande tradition des griots et de la musique mandingue. Là, l’union du Nord et du Sud se fait entendre.
Plus loin, des hommages sont rendus à des personnalités de la ville de Niafunké. « Safare », est un morceau provenant du répertoire de Touré père, l’une des figures incontournables de la musique malienne. Chœurs et guitare électrique amplifiée y sont ré-interprétés avec sobriété et fidélité. Ces boucles musicales hypnotisent et perdurent longtemps dans notre esprit.
Puis le n’goni s’invite dans quelques-uns des morceaux. « Future », mariant de nouveau la kora et la guitare, est une ode enjouée et légère au Mali.
« Allah wawi », chante en peul : « Nul n’est au-dessus de Dieu (…) Seul Dieu peut le plus ». Un morceau s’adressant aux rebelles du Nord Mali ayant pendant la crise interdit de fumer, boire ou chanter.
« Ay Bakoy », réunit de nouveau l’artiste et son acolyte le pianiste israélien Idan Raichel. Seul morceau nous extrayant d’un Mali, chaleureux et accueillant, pour nous mener vers de nouveaux horizons. Une guitare sèche raisonnant dans un studio semblant désert, est rejointe par une calebasse, puis une guitare électrique. Le piano d’Idan intervient sous forme de ponctuation. Rythmes lents, sonorités arabisantes et voix nostalgique aux inflexions de griot semblent conter une épopée d’une tristesse absolue.
ZOOM
Vieux Farka Touré, sage parmi les sages
En 2001, il s’initie en secret à la guitare. En 2006, il enregistre son premier album éponyme (Modiba Productions).
Avec son deuxième album, Fondo, produit par Six Degrees en 2009, Vieux Farka Touré se forge sa propre identité et sort du sillage familial.
En 2011, The secret (Six Degrees) révèle son savoir acquis de génération en génération. Arborant sur la pochette un regard grave et mystique, Vieux Farka Touré nous transmet son secret : l’art de jouer le blues.
En 2012, sort l’album The Touré-Raichel collective. Opus donnant à entendre le dialogue entre la guitare de Vieux Farka Touré et le piano de Idan Raichel. Entre improvisations et morceaux composés, la rencontre des genres et des mondes s’opère en beauté.
De retour de ses différentes explorations musicales, l’artiste, à seulement 32 ans, semble muri et prêt à assumer les responsabilités incombant aux vieux de son village : Transmettre avec sagesse aux plus jeunes, les secrets et richesses de sa culture.
Eva Dréano