Parce qu’elle a refusé de faire exciser sa propre fille il y a sept ans, Collé Ardo voit débarquer chez elle un matin quatre petites filles. Apeurées, celles-ci lui demandent asile et protection car elles viennent de fuir la cérémonie d’excision actuellement en cours au village. Très vite, les exciseuses et mères se présentent aux portes de la maison de Collé Ardo pour récupérer les fillettes. Deux valeurs s’affrontent alors : le respect du droit d’asile, le « Mooladé » en bambara et la tradition de l’excision, la « Salindé ».
C’est avec finesse, justesse et courage que Sembène Ousmane filme et met en scène ce combat de valeurs, qui très vite déborde du cadre essentiellement féminin des acteurs pour devenir enjeu social et sociétal de tout le village. Derrière la tradition, l’hypocrisie des femmes, le sexisme des hommes, le poids de la religion ou du moins celui d’une croyance, celle de penser que l’Islam oblige les femmes à « se purifier » de la sorte.
Equilibrant savamment son film entre drame et comédie sociale, Mooladé de Sembène Ousmane parvient à toucher du doigt tous les paramètres sociaux et culturels qui se jouent autour de la question de l’excision. Au cœur d’un village africain dont le nom n’est pas précisé, la courageuse Collé Ardo devient un symbole de révolte contre une pratique barbare et les intégrismes qui y sont liés.
De la pratique barbare qu’est l’excision, Sembène Ousmane nous en fait voir toutes les douleurs : les visages terrifiés des fillettes, le moment traumatique de la « coupure » (scène violente filmée comme une scène de torture où l’enfant crie et pleure pendant que quatre femmes adultes la maintiennent allongée), les souffrances à endurer lorsqu’une femme excisée fait l’amour (Collé Ardo qui se mord le doigt jusqu’au sang pendant que son mari « l’honore »).
Bien documenté, superbement interprété (on croirait que les acteurs jouent leur propre rôle) et parfaitement maîtrisé dans la forme et le fond, Moolaadé de Sembène Ousmane est un argument de poids dans tout discours contre l’excision et un chef d’œuvre du septième art à voir et à étudier.
Mooladé de Sembène Ousmane a reçu le prix Un Certain regard au Festival de Cannes 2004.
ZOOM
L’actrice Fatoumata Coulibaly et son combat contre l’excision
Fatoumata Coulibaly, qui joue le rôle de Collé Ardo dans le film, est une journaliste malienne éminente qui officie depuis plus de vingt ans à l’Office de radiodiffusion et télévision du Mali (ORTM).
Surnommée affectueusement « FC » par ses compatriotes, elle a fait de l’excision le combat de toute une vie.
FC se déplace ainsi depuis plus de quinze ans, tous les quinze jours, dans des villages reculés du Mali pour y prôner la fin de l’excision et aborder avec hommes et femmes les effets désastreux de cette pratique sur la santé des femmes et des jeunes filles. Elle accomplit ce travail avec l’association malienne pour le suivi et l’orientation des pratiques traditionnelles (Amsopt).
Lola Simonet