Beaux livres / mali

AU VILLAGE de Malick Sidibé

Editions de l'oeil

Les clichés villageois du maître de la photo malienne.

Au village de Malick Sidibé fait partie de ces livres qu'on feuillette avec une certaine pudeur, avec la sensation de pénétrer dans l'intimité de celui qui l’a conçu.

Cette compilation, sobrement intitulé Au Village, a en effet tout de l'album de famille.

On sent tout de suite que les lieux et les personnages saisis sont familiers du photographe. Et pour cause : toutes ces photos ont été prises à Soloba, le village natal de Sidibé.

Cet album a également l’intérêt de présenter les premières photos de Malick Sidibé. Le photographe raconte avec nostalgie les avoir prises en 1956 avec un petit appareil d’amateur, un Brownie Flash.

Scènes agricoles, scènes pastorales

A l’image de son travail en studio, la plupart des photos prises sont des portraits ou des photos de groupe, membres de la famille ou du village. Les scènes immortalisées sont celles qui rythment la vie de Soloba : battage du riz, récoltes de maïs, corvée d’eau, construction du toit des maisons en paille.

De cette atmosphère laborieuse et bucolique se dégage une étonnante poésie dans les scènes et les regards tout à fait saisissante. Comme dans un film de Pasolini, comme dans un documentaire de Jean Rouch, on est saisi par cette vie si rude et si douce à la fois, on perçoit une temporalité et un vivre ensemble différents que l’on envierait presque à ces habitants.

Particulièrement poignante, les photos de grands rassemblements sous le vieux manguier, sur lequel le jeune Malick aimait grimper et celles de la parade avec des peaux d’animaux. C’est une autre forme d’humanité qui nous est donnée à voir, sans jugement, sans prise de parti, mais avec le soin d’en capter toute la beauté et la fragilité.

Malick Sidibé, le griot de la photo malienne



ZOOM

Soloba, le village natal de Malick Sidibé

Le village de Malick Sidibé est d’autant plus photogénique qu’il se situe au bord du fleuve Guinée.

De nombreux clichés s’arrêtent sur la vie autour de ce fleuve, à commencer par la première de l'ouvrage, représentant un homme en Solex au bord du barrage de Selingue.

Mais c’est Malick Sidibé lui-même qui parle le mieux de Soloba : " Dans mon souvenir, Soloba, où je suis né, a toujours été considéré comme un village important et son influence se ressentait au sein même de la région. C’était un village d’éleveurs - des bœufs, des chèvres, des moutons - et de cultivateurs. Comme les enfants des paysans peuls, j’ai grandi en participant aux activités de la communauté. "

Pour découvrir un pan moins connu que le travail de studio d’un des grands maîtres de la photo africaine, procurez-vous d’urgence cet ouvrage, qui confirme, si on en avait besoin, l’intelligence et l’élégance du regard de Malick Sidibé.

Romain Dostes