Juin 2013 / Albums / Niger Nomad de Bombino East West Ayant déjà croisé sur sa route les Rolling Stones, vécu probablement une dizaine de vies et servi de guide à Angelina Jolie, cet as de la guitare touareg sort Nomad, son troisième album.
En 2003, un réalisateur de documentaires américains, Ron Wyman, a le coup de foudre pour cet artiste fougueux et habité par sa musique. En 2004, il l’aide à produire son premier album Agamgam sous son nom de naissance, Omara Moctar. Par la suite, des épisodes militaires l’obligent à se réfugier au Burkina Faso. Deux de ses musiciens avaient été exécutés car la musique touarègue était alors considérée comme un outil de rébellion. En 2011, de nouveau soutenu par Ron Wyman, il sort un second album sous son nom d’artiste actuel Bombino. Agadez rend hommage au blues et à cette ville porteuse des traditions touarègues. Guitare électrique et tendé (tambour sur mortier) s’y déchaînent dans un harmattan de voix chaudes et douces. Dans ce tout dernier album, Bombino, nomade de la première heure, rappelle au monde que «…le mot nomade souffle la liberté et le mystère, comme le rock américain. » Avec ce disque à la confluence du rock indé et du blues, produit à Nashville (Tennessee) dans le Studio Easy Eye Sound de Dan Auerbach tout juste récompensé du Grammy Awards du meilleur producteur de l’année, Bombino n’a pas fini de traverser les frontières, réelles ou imaginées. Cet opus est tantôt instrumental comme dans le premier morceau de l’album Amidinine, épuré et revenant à la source de la musique ishumar (musique touareg guitaristique, dont le rythme est induit par les voix et le tendé) comme dans Adinat, ou prend des airs psychédéliques comme dans Zigzan dans lequel un orgue majestueux donne corps à la musique. À la sincérité et au blues transcendant d’Agadez, l'album Nomad de Bombino apporte une coloration lui venant de ce paysage désertique américain, berceau de la Country music, le Tennessee. Dans le morceau Imidiwan, cette tonalité prend la forme d’une fusion d’un onirisme étonnant. Ainsi, Bombino, à l’âge du Christ et ovationné par la critique, n’as pas fini de nous transporter à l’aide de ses riffs hypnotiques. Bombino en concert à Agadez au Niger.
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ZOOM
Enturbannés et stigmatisés
Natif du Niger et ayant grandi au sein du peuple touareg, revendication identitaire, exil et passion pour la guitare marquent l’enfance d’Omara Moctar.
Aussi, c’est en digne fils spirituel des Ishumars (terme désignant les exilés - essentiellement de jeunes hommes - victimes de la répression des Etat-Nations malien et nigérien et des sécheresses consécutives, qui ont fui leurs pays d’origine vers l’Algérie et la Libye devenues terres d’accueil des réfugiés), que Bombino porte sa musique vers de hautes fonctions, celles de démocratiser les traditions de son peuple.
Avec des icônes contemporains, tel Tinariwen, enturbannés et la guitare en bandoulière, une vision moins stigmatisée des ishumars a été possible.
Cependant, la politisation constante du mouvement ainsi que l’actualité récente de la région, a induit un amalgame, très vraisemblablement inexact, avec les factions islamistes et terroristes du Nord-Mali. La comparaison n’étant pas très heureuse, les musiciens Ishumar, Bombino compris, devront redoubler d’effort pour faire entendre leur position, individuelle et au sein de la communauté Ishumar.
De quoi s’attendre encore à de nombreuses expéditions musicales poétiques sur fond guitaristiques.
Eva Dréano