Documentaires / République Démocratique du Congo L’irrésistible ascension de Moïse Katumbi de Thierry Michel Les films de la passerelle Business, sport et politique au Katanga. Portrait du riche homme d’affaires congolais Moïse Katumbi.
C’est en le filmant pour son précédent documentaire Katanga Business que le réalisateur et journaliste belge Thierry Michel a su qu’il tenait son nouveau sujet. Et comment ne pas voir en l’homme fort du Katanga, le séduisant et richissime homme d’affaires Moïse Katumbi, propriétaire d’un des plus célèbres clubs de football d’Afrique, matière politico-économico-sportive explosive, sujette à investigation ? Au travers de cet homme, sorte de cow-boy des affaires (il en porte le chapeau), c’est le portrait d’une nouvelle forme de leadership africain qui se dessine : celle des riches businessmen entrés en politique avec la ferme (et intéressée) intention de diriger leur localité « comme on dirige une entreprise ». Après s’être bâti un empire dans le secteur de la pêche, des transports et des minerais katangais, Moïse Katumbi a donné les rênes de ses différentes entreprises à sa femme pour pouvoir officiellement se présenter aux élections provinciales.
L’une des scènes d’introduction du film le montre d’ailleurs en pleine campagne : arrivé en grosse voiture, Moïse fait distribuer six cents dollars aux pauvres bougres qui l’acclament aux cris de « papa Moïse ». Le ton est donné : entre populisme et réelle popularité, jusqu’où ira ce désormais gouverneur du Katanga ? Jusqu’au palais présidentiel, laisse à penser le réalisateur… Mais le sujet du film finalement fait peu de cas de son ambition politique. Il lui préfère l’ensemble des ressorts économiques, sportifs, politiques et médiatiques qu’utilise à souhait le puissant Moïse Katumbi pour mettre au pas son Katanga natal… Et il n’en rate pas un, même lorsqu’il s’agit d’aller lui-même vérifier que le chef des douanes est bien arrivé à l’heure à son poste. Or, petit à petit, malgré sa bonne volonté, le multimillionnaire a du mal à tenir ses promesses. Et le pragmatisme entrepreneurial n’est plus aussi flamboyant quand le soi-disant Messie Moïse doit défendre les creuseurs d’une mine d’or sauvage bientôt délogés par une compagnie étrangère.
En effet, on entend au loin, à Kinshasa la capitale, des voix dissidentes s’élever et pointer du doigt l’affairisme de Moïse, sa gestion opaque des comptes de la province du Katanga, sa mainmise sur les médias locaux, le conflit d’intérêt évident qu’il entretient avec les sociétés étrangères et bien-sûr celle de sa femme… Et c’est d’ailleurs là où le bât blesse. On se serait attendu à moins de naïveté et de prudence de la part de Thierry Michel, à plus de lucidité sur les réelles motivations de l’animal politique, surtout économique (homo economicus), qu’est le bonhomme. Quelle est réellement l’étendue de ses affaires ? L’entreprise de sa femme se sera-t-elle enrichie sous son mandat politique ? Quelles ont été ses réalisations comme gouverneur ? Semblant désabusé par son impuissance, Moïse Katumbi dit vouloir se retirer de la vie politique mais une pétition populaire d’un million de signatures lui demande de se représenter. Qui finance cette campagne à coups de t-shirts à son effigie ? Ces questions auraient sans doute mérité d’être posées. La démonstration en aurait gagné en aboutissement et le portrait en force.
Bande-annonce de L’irrésistible ascension de Moïse Katumbi |
ZOOM
Thierry Michel, un journaliste belge en terre congolaise
Cinéaste, photographe et journaliste, Thierry Michel est devenu l’un des principaux réalisateurs travaillant sur la République Démocratique du Congo d’aujourd’hui.
Nous nous rappelons ainsi de son fameux " Mobutu, Roi du Zaïre ", mais également de son excellent et plusieurs fois primés, Congo River, ainsi que de ses moyens-métrages sur les mines et le business des mines au Katanga.
Après avoir reçu plusieurs prix internationaux, son documentaire " L’Affaire Chebeya, un crime d’Etat ? " lui vaudra une interdiction de séjour en RDC.
À côté de ses activités journalistiques, il enseigne le « cinéma du réel » à Liège.
Lola Simonet