Albums / Nigeria No place for my dream de Femi Kuti Naïve Retour aux sources de l'afrobeat pour Femi Kuti.
"When you see what is going on in the world today, you will agree that poverty is winning the game, more people are suffering, more people are very poor, the suffering people can't take anymore." "Quand vous voyez ce qui se passe dans le monde aujourd'hui, vous serez d'accord sur le fait que la pauvreté est en train de gagner la partie, davantage de gens souffrent, davantage de gens sont extrêmement pauvres, les gens qui souffrent n'en peuvent plus." Voici Femi Kuti de retour avec un nouvel album. On espère, avant de le découvrir, avoir à faire à une rythmique d'enfer. Dès les premières secondes, on constate qu'elle ne manque pas et que Femi est bien au rendez-vous, toujours aussi efficace et même plus encore. Il devient vite évident à l'écoute que ce disque est sur le plan musical plus achevé, plus technique, plus fouillé aussi, mais, et c'est presque le principal, sans perdre pour autant son énergie et sa force. Son orchestre "The Positive Force" conduit par l'excellent guitariste Opeyemi Awomolo assure une prestation remarquable. Les pulsations de l'Afrobeat sont bien présentes et les cuivres sont encore plus entraînants. Quelle section ! Elle est composée de deux saxs, un alto et un ténor tenus respectivement par Daniel et Dotun Bankole, et de la trompette de Gdenga Ogundeji, auquel il faut ajouter les interventions au sax de Femi Kuti lui-même. Ce trio est d'une efficacité rare, joue un rôle central car il est formidablement homogène et léger, gage d'une qualité rare. Il relance sans faiblir la pulsation du "beat" comme, par exemple, dans "Wey our money". Dans "This is only the begining" il est vraiment au sommet de son art, sans équivalent, alliant souplesse, cohésion et virtuosité. Il se partage le travail en cohésion non seulement avec l'orgue, qui soutient et répond mais aussi avec la guitare rythmique. Cette dernière est le véritable pivot du groupe. Tout s'articule autour d'elle. Les guitaristes noteront et écouteront attentivement sa superbe partie dans "The world is changing" appuyée par les percussions qui maintiennent la pression et donnent la cohérence à l'ensemble. Un vrai bonheur. Difficile de rester assis ! Sur le plan politique, les textes de Femi sont toujours aussi engagés : l'absence de travail, la misère, les politiciens corrompus, la crise de l'euro prétexte à infliger encore plus de pauvreté, la guerre, l'oppression, la faim... sont les thèmes privilégiés de ses chansons. C'est là où réside le coeur de l'Afrobeat. La musique permet à Femi Kuti d'être compris et accepté lorsqu'il aborde ces sujets qui lui sont chers. Sa recette : une musique entraînante soutenant des textes revendicatifs, le tout donnant le goût de l'espoir, de la lutte, à commencer celle contre la résignation. Car il s'agit là incontestablement d'un disque de combat. Au final l'objectif est de dénoncer, de mettre la pression car "we carry on pushing.... for better living", "nous continuons de lutter... pour mieux vivre". Pour Femi Kuti tout reste cependant à faire. Le disque se termine sur ce qui pourrait être à la fois un avertissement et une note d'espoir avec le superbe morceau instrumental qui sonne comme un hymne AfroBeat : "This is only the beginning" ! Ce n'est qu'un début et c'est tant mieux pour la musique africaine !
La vidéo du single The world is changing
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ZOOM
L'Afrobeat de Fela Kuti
L'Afrobeat, inventé à la fin des années soixante par Fela Kuti, est une synthèse de rock, de jazz mêlés aux rythmes traditionnels nigérians.
C'est une musique immédiate, populaire qui se prête à la danse et qui véhicule un message à caractère politique et social.
Chef d'orchestre, dirigeant d'un parti politique le MOP, Movement of The People, il sut tenir tête aux pouvoirs en place du Nigeria, dénonçant la pauvreté des laissés pour compte du développement d'un pays devenu riche de pétrole après la guerre du Biafra.
Il mourut du sida en 1997 et reste encore aujourd'hui le symbole fort des luttes et protestations populaires.
Son fils, Femi Kuti, qui était déjà saxophoniste dans l'orchestre de son père, prend sa succession spirituelle et musicale dès les années 2000.
De ce point de vue, ce disque doit aussi être considéré comme une sorte de réappropriation des fondamentaux, une forme de retour aux vraies sources de l'Afrobeat.
Lola Simonet