Guerrier de Cheick Tidiane SeckAlbums / Mali
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Guerrier
de Cheick Tidiane Seck
Universal Jazz
Le plus expérimental et le plus personnel des albums du multi-instrumentiste malien.

 

Il a souhaité tout faire tout seul. Des percus à la basse en passant par le clavier, bien sûr.

Il aura enregistré chaque instrument tour à tour, minutieusement, piste après piste, comme un artisan tisse sa toile, fil après fil.

Une première pour ce musicien aux talents multiples qui se savait depuis longtemps capable d’une telle réalisation. Encore fallait-il tenter l’expérience… C’est désormais chose faite. Et c’est une réussite !

Le groove légendaire de Cheick Tidiane Seck parcourt chacun des treize titres de « Guerrier », des ballades blues et reggae aux chansons mandingues, soul et jazz.

Des chœurs au texte, le patron Seck a fait à sa guise, impulsant la fougue et l’entrain qu’on lui connaît à l’album.

Il en profite au passage pour nous faire part de ses convictions et réflexions politiques.

Le « guerrier » (surnom qui lui est donné dans le milieu de la musique) développe sur cet album son tempérament martial. Dans le bon sens du terme.

Cheick Tidiane Seck nous fait part de la guerre « pacifique » qu’il mène pour son propre pays, le Mali, contre les extrémistes religieux et les sécessionnistes Touaregs, qu’il dénonce dès qu’il en a l’occasion dans toutes les tribunes publiques qui lui sont offertes.

Une guerre également contre la mondialisation libérale. Il s’en prend ainsi à ses acteurs comme le Conseil économique qu’il compare à une mafia dans le titre « Fere no fere », et cite ses pourfendeurs comme Stéphane Hessel dans « Émigrants ».

Album conçu en solo, « Guerrier » est aussi très personnel et fait plus que jamais référence aux expériences de vie du grand maître. Sa voix éraillée au souffle chaud nous surprend dans des aigus improbables sur l’émouvant « Assetou » dédié à sa fille, décédée d’une méningite foudroyante en 1979.

Sur « Liwawecchi », il reprend un titre que chantait Miriam Makeba, dont l’intégrité et la portée symbolique l’inspirent. Une chanson en lingala, langue congolaise.

Enfin, « Saya » est l’occasion pour lui de saluer les artistes maliens décédés récemment tels Kanté Manfila ou encore Ali Farka Touré.

« Blessing » qui conclue l’album remercie les personnes de conviction qui luttent en Afrique ou ailleurs pour un monde plus juste. « It’s a blessing for me today to be with people who resist ».

Après le Guerrier, place au Cheick Tidiane Seck Résistant ! Que du bonheur.

Le Guerrier, de Cheick Tidiane Seck, EPK

 

ZOOM

Cheick Tidiane Seck, le « guerrier des claviers »

Né à Ségou au Mali, Cheick Tidiane Seck étudie la musique à l’Institut des Arts de Bamako avant de rejoindre le célèbre Super Rail Band qui fait alors chanter et jouer Salif Keïta, Mory Kanté ou encore le guitariste Djelimady Tounkara.

Surnommé le « Che Guevara » en raison de ses convictions politiques, il rencontre quelques problèmes avec le régime de Moussa Traoré, au pouvoir depuis 1968 après un coup d’état.

Il s’installe alors à Abidjan dans les années 70 où il approfondira sa maîtrise du claver avant de quitter la capitale ivoirienne pour Paris en 1985 avec Salif Keïta et Les Ambassadeurs.

Commence alors sa carrière internationale où l’on voit le musicien jouer avec les plus grands noms de la musique, de Jimmy Cliff et Stevie Wonder à Santana en passant par Wayne Shorter.

En 1995, l’album qu’il arrange à Bamako pour le pianiste Hank Jones intitulé « Sarala », achèvera de faire de lui la star reconnue et adulée par la critique et le public, telle qu’on le connaît aujourd’hui.

Depuis plus de quinze ans maintenant, Cheick Tidiane Seck enchaîne les collaborations avec des musiciens de tout bord, évoluant tout aussi bien sur des scènes hip-hop comme avec le groupe Assassin récemment, que jazz aux côtés de Dee Bridgewater.