Palebedebe_Lai_LaiPièces de théâtre - Essais - Poèmes / Burkina Faso
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Palébédébé Laï Laï
de Saïdou Zemben'Dé Ouédraogo
Editions Doc Net
Palébédébé Laï Laï ou le véritable théâtre populaire.

 

Un plume, un homme et les institutions financières internationales.

C'est le trio qui anime la pièce de Saïdou Zemben'Dé Ouédraogo, un « déflaté » (de l'anglais « dégonflé », comprendre « dépossédé ») victime des mesures d'austérité économique conçues par la Banque Mondiale et le FMI (voir le Zoom sur) et auxquelles un grand nombre de pays africains ont été et sont encore soumis.

Pour Z, une fois licencié du chemin de fer, il n'est plus resté que les mots et de l'encre pour mettre sa colère noir sur blanc.

Palébédébé se compose de trois parties.

La pièce de théâtre d'abord, où l'auteur se met en scène : un homme abandonné à lui-même, un homme qui crie la vérité et que l'on croit fou.

Les « Autres textes » sont tout aussi insolites : un essai sur l'art politique qui met à nu le mensonge et le calcul inhérent à la matière.

Puis une pétition contre la Banque Mondiale... Pétition surprenante, presque incongrue quand on la découvre mais qui constitue un véritable témoignage d'hommes et de femmes qui voient et vivent des politiques économiques trop souvent présentées comme salvatrices.

Et pour conclure, des Poèmes, tout aussi engagés, tout aussi émouvants (Mes larmes mes idées, Promenade, Quelque chose comme testament).

Un témoignage au plus près du réel, qui n'a pas que cette qualité. Ce David contre Goliath théâtral doit aussi être lu pour sa poétique enflammée qui fait revivre le théâtre dans ses premiers atours : afficher l'impopulaire aux yeux du populaire. Tous ses écrits sont trempés dans un style qui n'a rien de dégonflé. Une écriture brute de décoffrage, qui n'en est que plus vibrante, palpitante, saisissante.

On ne peut que recommander la lecture de ce petit et rare ouvrage, ainsi que recommander le film La Tumultueuse Vie d'un déflatéqui l'a fait sortir de l'ombre et a dévoilé l'incroyable personnalité du « grand Z ».

Le réalisateur, Camille Plagnet, raconte lui même son extravagante rencontre avec Z dans la préface et le chemin parcouru pour en arriver là; de quoi nous mettre en bouche. Encore une fois, lisez-le sans hésiter !

EXTRAIT DE LA PIECE DE THEATRE

« Le doigt sonde le cerveau.

Avant d'être fou ou mort, j'ai préféré me retirer tranquillement de la scène.

Il esquisse des pas de danse et se vante.

Je suis un Négro spiritual vivant dans un des innombrables PPTE/PTR
(Pays Pauvres Totalement Endettés & Partiellement Très Riches)
Là-bas, dans les PPTE/PTR, métronomes de la BANQUE MONDIALE :
Sans travail, on y vit.
Sans argent, on y vit.
Sans femme, on y vit.
Sans famille, on y vit aussi.
Sans soutien, on y vit.
Même après le PAS, même après la mort, on y vit.
Pour satisfaire des cupides... Ouais !
Ceux qui mangent !
Avec tout ça, nous marchons tous sur le même sol et nous respirons
tous le même air, jusqu'à... repartir tous en poussière.

Il se couche. Deux agents municipaux font irruption.
Môgba, couché sur le côté, perçoit des bruits de bottes.
Avant de se retourner, il rafle un gourdin et un sabre. »

ZOOM

En arrière plan économique de Palébédébé Laï Laï : l'Afrique et les plans d'ajustements structurels des institutions financières.

Dans les années 1980, à la suite des deux chocs pétroliers (1973 et 1979) qui secouent le monde entier, le Fond Monétaire International (créé en 1944) ne parvient plus à maintenir une balance des paiements fixe et est au bord de la disparition.

A la faveur des crises, il se reconvertit toutefois dans l'aide aux pays en développement pour permettre à ces derniers de garder la tête hors de l'eau quand les bailleurs de fond deviennent rares. L'engrenage des plans structurels d'ajustements et de la dette commence.

La doctrine du FMI consistait en trois points : macro-stabilisation (austérité financière, maîtrise de l'inflation budgétaire, réductions de crédit, balance des paiements équilibrée), libéralisation et dérégulation des marchés (le marché dicte le prix, intervention étatique très limitée, et accès aux biens publics taxés, et pour finir, privatisations plus qu'encouragées (pour en finir avec l'Etat). Voilà pour la théorie.

En réalité, la complexité socio-économique des sociétés n'a pas été prise en compte et les spécificités institutionnelles, politiques, économiques et infra-structurelles des pays africains ont été ignorées. Résultat : entre 1985-2000, les investissements directs étrangers ont chuté de 77% et se sont concentrés sur des secteurs économiques limités (pétrole notamment), les économies se sont tournées vers l'exportation accentuant ainsi la dépendance à l'égard de l'aide extérieure, les taux de pauvreté ont presque doublé, la dette a explosé (statistiques publiées par les institutions financières elles-mêmes).

Des chiffres révélateurs pour comprendre le désastre économique que vit le Grand Z de Palébédébé Laï Laï, mais qui ne sont qu'un maigre aperçu du bouleversement subi par les Africains au quotidien.

Aujourd'hui, les enjeux de la dette persistent et de nombreux pays africains restent dépendants des programmes divers de réduction de la pauvreté, d'aide alimentaire ou autres qui durent, sans qu'on se le rappelle toujours, depuis près de 30 ans.

Anaïs Angelo