Albums / Nigeria Africa for Africa de Femi Kuti Label Maison / Pias Musique envoûtante, paroles crues : Femi Kuti fait entendre la voix du Nigeria.
On voudrait ne pas parler de Fela quand on écoute Femi, mais à quoi bon quand le père et le fils partagent la même lutte et surtout, les mêmes armes : bataillons de percu et trompettes, saxo de ralliement, textes trempés dans l'acier. De Fela Kuti, père de la musique nigériane engagée à Femi, le fils, c’est tout un univers musical (le fameux afrobeat) qui continue de marcher avec l’Histoire. Politics, bad government, corruption, leaders, military, blame, fight, suffer… Africa for Africa fait l’effet d’un cachet effervescent qui doit calmer une colère accumulée au fils des décennies. Pour autant, Femi ne fait pas dans l'afro-pessimisme : s'il se fait la voix du peuple, c'est au milieu de ses musiciens et choristes, et s'il met en musique un quotidien sous tension et dont les revendications envahissent littéralement l'album, c'est avec une infatiguable rythmique. Une réalité sous-tension avec un album qui ne faiblit jamais et qui nous donne un petit aperçu de l'énorme potentiel de vie que le Nigeria recèle. Le risque dans cette course effrénée à l'impressionnisme musical, c'est de frôler la répétition... Femi ne s'en sort pas trop mal : des textes bruts de décoffrage certes, mais des mélodies envoûtantes, avec notamment le revival du synthé qui n'a pas fini de nous obséder.
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ZOOM
Lagos : générations d'artistes engagés et métropole en constante ébullition
Il était une fois le mythique Fela Kuti, musicien engagé qui révolutionne la world music et sème le trouble sur la scène politique du Nigeria des années 1970 à la fin des années 1980; puis vint Femi Kuti, qui reprit le flambeau de la musique engagée.
On pourrait aussi parler de la jeune Asa, artiste d'origine nigériane née en France, qui fait mouche en 2008 avec son titre There is fire on the mountain : « There is fire on the mountain/and nobody seems to be on the run... »
Trois génération d'artistes (plus ou moins) engagés mais qui traduisent bien l'atmosphère d'un Nigeria en constante ébullition, et tout particulièrement de la véritable marmite humaine qu'est Lagos, capitale du Nigeria (Africa for Africa y a été enregistré, et cela se ressent).
En 2015, Lagos sera une des plus grandes agglomérations d'Afrique, avec 12,4 millions d'habitants. Près des deux tiers de la population vit dans des bidonvilles, qu'on dénombre à plus de 200. Les estimations parient sur 37,7 millions d'habitants en 2050... et le 7è rang mondial pour cette capitale.
Anaïs Angelo