Albums / Sénégal - France Oui, je le suis de Sefyu Because Music Même s’il semble plus formaté pour les radios, le dernier opus du rappeur Sefyu est le plus abouti de tous.
Le titre de cet album semble répondre aux questions posées par les deux précédents, Qui je suis ? et Suis-je le gardien de mon frère ? Pourtant, il ne s’agit pas d’une suite, plus d’une série travaillant autour de thèmes et de sons récurrents (les « Aaacid ! », « Undercove », ou son fameux « Oooh ! » qu’il reprend d’un morceau à l’autre). Celui qui avance à visage masqué derrière la visière de sa casquette n’a en tout cas rien perdu de sa verve, et ce n’est pas sa récente victoire de la Musique comme révélation de l’année qui l’a rendu plus politiquement correct. Dans Oui, je le suis, on retrouve les principales thématiques, le malaise des jeunes en banlieue (L’Insécurité), ou la gestion de sa célébrité (Fuck Sefyu). A cela s’ajoute des morceaux plus punchy, plus commerciaux aussi, comme Turbo, ou All Blacks. La question de l’intégration des jeunes de banlieue et des sans-papiers au cœur de l’album Depuis ses débuts, Sefyu n’a de cesse de traiter des difficultés des immigrés africains en France. Cela passe par des punch-line radicales, comme dans Senegalo-Ruskov-Molotov, ou par un message de tolérance, dans Noir et Blanc. Ici, il approfondit la question des sans-papiers avec pertinence et engagement. Le morceau Malik et Boubacar replace dans le contexte de la fin des années 1980 la crise de l’intégration, fait référence aux émeutes des Minguettes et à la Marche des Beurs de 1983, et fait un portrait croisé d’un enfant d’origine maghrébine des quartiers Nord de Marseille et d’un autre, d‘origine subsaharienne de banlieue parisienne. |
ZOOM
Le morceau Oui, je le suis
Dans le morceau Oui, je le suis, Sefyu révèle un aspect particulièrement douloureux de certains jeunes immigrés, ou fils d’immigrés : la sensation de n’appartenir ni à son pays d’origine, ni à son pays d’accueil.
Il met en scène le parcours inverse d’un immigré subsaharien en partance pour l’Europe et le fait atterrir à Dakar, où à sa grande surprise, il est considéré comme Français :
« J't'écris en Live de Dakar dans une galère
J'ai fui la France à cause de la calèche
J'suis passé par l'Algérie, j'ai atterri au Mali
Le reste de Bamako sali au taxi
J'suis black comme eux, mais ils m'appellent le Français ici
La honte j'comprends la langue et mes parents sont nés ici
Les regards me décortiquent comme si j'n'étais pas de leur patrie
Un truc de travers et ils me rapatrient
Les commerçants veulent me racketter à cause de mon accent qui prononce pas les “rrr”, qui pue le camembert
Hier mon cousin m'a dit “ça va le petit blanc ?"
Sans réponse j'ai laissé un blanc »
Romain Dostes