Films / Sénégal Le Mandat de Sembène Ousmane Cinéastes africains volume 1 - Arte Vidéo « Ici l’honnêteté est un délit »
Le Mandat, Prix de la critique internationale au Festival de Venise (1968), est une fresque fabuleuse de la nouvelle société sénégalaise corrompue après l'indépendance. Un bout de papier fait exploser les hypocrisies d'un quartier prétendu solidaire. Un jour, le facteur apporte à Ibrahima Dieng une lettre de son neveu, balayeur de rues à Paris, avec un mandat de vingt-cinq mille francs CFA. Ibrahima, sans travail et avec femmes et enfants, doit seulement garder 2 000 francs, le reste devant être remis à sa sœur. Mais la nouvelle se répand dans le quartier... Femmes, voisins, famille voient dans cette promesse d'argent leur issue de secours. Ibrahima ne refuse pas les crédits, les petits services : il se montre généreux. Seulement quand il veut toucher l'argent à la poste, on lui demande sa carte d'identité, qu'il ne possède pas. Et c'est le début d'une épopée dans les méandres d'une administration vénale et absurde... Où Ibrahima se retrouve victime d'un morceau de papier qui le laissera plus misérable qu'il n'était. Sembène Ousmane pose un regard amusé et satirique sur ce mâle tout puissant qui se fait gruger, incapable de se défendre contre les malins de l'administration et les petits escrocs de son entourage. Un regard touchant aussi, car au fil de l'histoire on s'attache à l'honnêteté naïve, mais salutaire de cet homme pris dans le filet inextricable des mensonges quotidiens. A travers ces errances, son odyssée, le masque tombe brutalement sur une société où tout le monde vole tout le monde. « Dans le pays, seuls les malins vivent bien ». Sembène Ousmane donne à voir un quotidien, une ambiance et des personnages parfaitement authentiques. |
ZOOM
Sembène Ousmane, cinéaste révolté
A treize ans, il donne une gifle à son directeur d'école parce qu'il voulait lui apprendre le corse. Renvoyé du collège, il s'engage dans l'armée comme tirailleur sénégalais.
Il participe à la première vraie grève en Afrique : celle des cheminots.
A vingt-cinq ans, il s'embarque clandestinement à Marseille où il travaille comme docker. Il s'instruit, milite, adhère au parti communiste... Et devient responsable syndical.
Puis il commence à écrire, à s'intéresser au cinéma. Il part à Moscou.
Celui qui est considéré comme le père du cinéma africain a débuté à l’âge de 40 ans. La plupart de ses films sont adaptés de ses romans.
Quand il retourne à Dakar, il s'immerge dans les quartiers populaires, connaît tout le monde.
Sembène revendique un cinéma militant et se déplace en Afrique, de village en village, pour montrer ses films, faire réfléchir et faire évoluer des situations archaïques.
Marie-Alix Saint-Paul