Livre sonore « Berceuses et comptines d’Afrique ». Tome 3
- Nouveau
Téofilo Chantre invente avec l'album Viaja la bossa nova capverdienne, un léger jazz créole.
Il suffit d’écouter son sublime duo Segunda Geração avec sa compatriote Mayra Andrade, elle aussi amoureuse de la mélodie brésilienne.
D’autres chansons, la tendre et désabusée Chelicha (caprice), la fraternelle Appel pa tude Naçon (appel à toutes les nations), le regret Tchoro di Guiné (la complainte de la Guinée), le départ et la méditation avec Bô Viaja (bon voyage) ou l’amour déçu de Dérobade sont co-signés avec Vitorino Chantre, le père de Teofilo parolier dès les années 50, co-auteur avec l’un des plus grands auteurs de morna, Amandio Cabral, avant d’abandonner la chanson. C’est son fils qui lui donnera envie d’y revenir. « Il m’a toujours encouragé, c’est un juste retour des choses », dit Téofilo.
Viaja a été enregistré en partie à Mindelo avec la complicité du grand Bau, l’un des meilleurs musiciens du Cap-Vert, et de Hernani Almeida, le jeune guitariste qui monte.
Une première pour Téofilo Chantre qui a chanté dans une ambiance particulière : « Nous prenions notre temps. Manger dans la convivialité avant d’enregistrer. C’était parfois magique, à l’exemple de la voix que j’ai sur le morceau Bô Viaja et que j’ai gardée. Je ne pourrai jamais la refaire à Paris ».
On a souvent pu lire, à propos de Téofilo Chantre, qu’il était « apparu dans l’ombre de Cesaria Evora » avant de s’imposer avec ses propres disques. L’expression mérite d’être corrigée. Car, s’agissant d’un art aussi lumineux que celui de la grande dame du Cap-Vert, on a du mal à imaginer qu’il puisse répandre autre chose que de la lumière.
D’autant que le nom de Téofilo Chantre fut très vite repéré par les amateurs sur les disques de Cesaria, de « Miss Perfumado » où il signait déjà trois titres, à « São Vicente di longe », où il lui offrit pas moins de cinq chansons. Téofilo signa aussi pour elle le texte d’Ausencia, sur une musique de Goran Bregovic pour la B.O. du film Underground d’Emir Kusturica.
Depuis 1993, six albums sous son nom lui ont valu une notoriété grandissante. C’est qu’il y a un « style » Téofilo, que la seule « authenticité » capverdienne ne suffit pas à résumer.
Téofilo Chantre, en effet, vit en France depuis plus de vingt-cinq ans et la diversité de ses goûts musicaux - de la Bossa Nova aux boléros classiques des caraïbes hispanophones - lui ont forgé une écoute et un cœur ouverts aux plus vastes horizons.
Toutes ses influences ont merveilleusement décanté dans une écriture où l’évidence mélodique (ses refrains paraissent souvent immédiatement familiers) ne le cède en rien à une très grande sophistication harmonique : soudain, telle modulation, tel passage dans une tonalité éloignée, créent d’heureuses surprises.
Et si la « sodade » - cette mélancolie insulaire propre au Cap-Vert - baigne la plupart de ses compositions, le swing élégant de ses coladeras rappelle que la danse reste l’un des meilleurs antidotes au vague-à-l’âme.
Fiche technique